Soizig Tchang

 Chers amis,

 Moi Pierrot, il m'arrive parfois de verser ma larme éternelle pour un vrai chagrin d'être humain. Ma larme humaine tombe en ce moment pour la disparition de notre amie Soizig Chang, qui fut une clown et une créatrice inspirée qui partit sur un coup de théâtre.

Dans mes préférences, elle venait juste après ma Colombine toute de blanc vêtue. Elle naquit clown, et clown elle restera toujours dans ses habits de couleurs chatoyantes. C'était un feu d'artifice de gaîté qui peignait, écrivait, chantait et enseignait le théâtre. Elle savait tout faire et je vous avouerai que moi Pierrot, il m'arrivait d'en être un peu jaloux… Je les aime, elle et son compagnon photographe, Jean-Paul, disparu peu de temps après elle ; j'ai donc décidé de les garder en vie ici, dans l'Échoppe de Pierrot. A vrai dire, je ne les ai pas vraiment perdus car ils m'ont rejoint sur la Lune. Ma larme lunaire, ma larme douce, coule désormais d'émotion quand je regarde Soizig faire s'esclaffer la Lune avec ses clowneries ; et vous pouvez me croire – moi Pierrot qui connais bien la Lune – ce n'est pas facile de la faire rire aux éclats !

Soizig n'était pas seulement une clown et une passeuse de talents ; elle menait aussi une réflexion sur sa démarche artistique, authentique et exigeante. Je ne saurais mieux conclure qu'en lui laissant la parole :

 « Le clown est nu et sans artifices, il naît à chaque instant. On ne fait pas le clown, on est clown comme on nait poète ».

 

SOIZIG, L'AUTEUR ET LA CHANTEUSE

Soizig chantait et a participé à l'écriture du duo

 

« Gare aux matous »,

 

Elle  était aussi la chanteuse  du groupe

 

« Les Chaussettes Vernies »,

 

pour lequel elle écrivit également.

 

        Lire ses textes de chansons

LA PÉDAGOGUE ET L'ARTISTE DE THÉÂTRE

     Soizig animait des ateliers de théâtre auprès d'enfants, d'adolescents et d'adultes, dans divers centres culturels, écoles de Rennes et  de la région rennaise. Cette diversité des publics et des ages est en partie à l'origine d'une méthode  pédagogique personnelle et généreuse au service de la transmission. D'ailleurs ses grands élèves adultes ne s'y sont pas trompés, eux qui ont voté les statuts de l'association « Les Cigales Écarlates », structure créée  à seule fin de donner à Soizig un cadre ou mettre en pratique sa démarche artistique originale.
 
     Ci-dessous voici l'objet des statuts reproduit et deux textes de théâtre, des réflections de Soizig concernant son rôle d'enseignant mais aussi d'artiste et de clown.


                                                           EXTRAIT DES STATUTS
 
L’association a pour objet le rayonnement artistique :
- Par la création et la diffusion de spectacles (clown et théâtre)
- Par des interventions artistiques (clown, théâtre, arts plastiques, interactions entre différents arts) sous forme de cours, de stages, et autres prestations.


                                                         DEUX TEXTES DE THÉÂTRE



Nous parlons du clown de théâtre.

Pour moi, le clown est synonyme de DÉMESURE.

La démesure du clown apparaît dans sa manière d’appréhender le monde réel, et de s’emparer des informations qu’il en tire pour créer son propre monde lié à son imaginaire, sa cruauté, sa poésie, son innocence sa fraîcheur et sa « bêtise ».

Chaque apparition du clown est une naissance, puisqu’à chaque fois il vient sur scène chargé d’un état différent lié à se qu’il sent et ressent à ce moment là, ce que je nomme « l’intime » qui n’a rien à voir avec le « privé » (ce que vit la personne derrière le masque dans la vraie vie).

Le clown est Nu et sans artifices, il naît à chaque instant. Admettre et AVOUER cela le rend juste et attachant, il ne peut pas tricher avec ce qu’il ressent sinon le public décroche ; or le clown a besoin du public pour exister.

NB : « Trouver » son clown est un leurre et une hérésie, le clown est vivant et en mouvement.  Pour « fixer » les choses (personnage, caractère, enveloppe) il faut accorder au clown le temps, la maturité, le désir. En un mot LE FOND, avant de songer à LA FORME. Le clown apprend la patience, en aucun cas on ne peut « vouloir » à sa place, ni « forcer » les portes de son imaginaire.

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La transmission : pédagogie et point de vue artistique intriqués

Le CLOWN nous « MÈNE PAR LE BOUT DU NEZ ». Il nous échappe et n’en fait qu’à sa tête quels que soient les projets, l’anticipation ou le désir de forme que nous ayons eus avant de venir sur scène. Il suffit d’une poussière tombant sur la scène pour qu’il décide de suivre ce chemin... Le cadre et les règles du jeu établis à l’avance nous permettent de reprendre le chemin « décidé » après avoir exploré ces pistes non-convenues. En cela la justesse existe. Il est donc très important  de se laisser traverser par diverses sensations et d’être à l’écoute de ce que l’on ressent, comme une éponge.

Pragmatiquement, nous pouvons nous appuyer sur des règles du jeu, en inventer de nouvelles aussi, nous référer à des codes, des jeux , des « trainings », des stratégies, des improvisations. D’autres techniques et pratiques artistiques telles que  le théâtre, le masque neutre, la danse, la musique et le rythme, les arts plastiques etc.

Stagiaires ou élèves sont toujours en position d’acteur ou de spectateur avec un retour et une analyse de ce qui s’est joué et ressenti lors des improvisations afin que tous comprennent ce qui s’est joué, progressent et tirent enseignement de l’événement sans jugement de valeur personnelle, ce que j’appelle « la critique objective », distance nécessaire au travail artistique. Pas d’ambiguïté entre vrai/faux, comédien et personne. (Pour ex : je vouvoie les comédiens, tutoie les personnes. Ce qui se joue sur le plateau a de l’importance, que ce soit bon ou mauvais ; ce qui se vit dans la vraie vie ne nous regarde pas... Surtout pas de confusions entre intime et privé, égo des personnes et réalité du travail d’apprentissage artistique qui parfois nécessite des ajustements. Comme toute pratique artistique le clown requiert beaucoup d’humilité et de générosité.)

Mais, et c’est ce que j’apprécie chez le clown, c’est que très souvent, ses échecs produisent des rires dans le public et qu’ils deviennent des réussites. C’est très positif. Pour avoir conscience de cela, en jouer et ne pas tomber dans le psychodrame(la douleur) il faut sentir, assumer, avouer (donner des infos aux partenaires de jeu et au public, quelles règles du jeu sont déterminées),  prendre le risque d’être mauvais, donner et recevoir, travailler en paliers, avoir des obsessions de clown et ses récurrences, être capable de bêtise, d’altruisme, de cruauté, d’émerveillement, accepter de révéler tout cela sans retenue, S’ENGAGER  À FOND DE TOUTES LES MANIÈRES. Se faire confiance et faire confiance à ses partenaires. Et bien sûr, me faire confiance et accepter mon regard extérieur : il y a le territoire des Clowns et Le territoire et la place du formateur metteur en scène. Dimension supplémentaire il y a aussi le territoire du public, sans qui tout est vain....

En conclusion : C’est très difficile de théoriser au sujet du clown, car tous ces mots clés liés à lui, ont du  sens et de l’épaisseur dans la pratique... Plus j’explore et travaille en clown, plus je découvre et comprend de quoi il est constitué et ou il m’entraîne. Le voyage n’est pas fini, puisqu’à chaque virage plusieurs pistes s’offrent à moi... Que du bonheur à venir.